Museo de Arte Contemporaneo La calle ¿ A donde llega ? |
Contexte
Lors du congrès mondial de sociologie de 1982, à Mexico, je suis allé dans les rues demander : La Sociedad mexicana ¿ Que es ? avec l’appui de deux quotidiens qui publièrent chacun une page d’appel à réponse. C’est cette vision populaire que j’ai communiqué au congrès. Le Musée d’art moderne de Mexico m’offrit les salles vidées de leurs tableaux. Avec un collectif d’artistes, de danseurs, de musiciens, de gens de théâtre et de mimes, transformant le décor, je pus inviter les gens de la rue à entrer et s’exprimer sur les cimaises. Si vous pouviez changer le nom de votre rue ? Dessiner un monument imaginaire, etc. La polémique qui s’empara des médias questionna radicalement la fonction du musée et les rapports entre art et société.
Réf : texte figurant sur un panneau explicatif créé à l’occasion de l’exposition rétrospective au Centre Pompidou
Expo participative de la population de Mexico en réponse à un dispositif interrogatif
A propos :
De l’enquête La Sociedad mexicana ¿ Que es ?
à La calle ¿ A donde llega ? Evento social imaginario.
La Sociedad mexicana ¿ Que es ? Cette enquête peu académique, tenue ironiquement en dehors des murs du congrès, donna lieu à l’invitation d’Helen Escobedo, sculptrice importante, alors directrice du Museo de arte contemporaneo de Mexico de revenir en 1983 poursuivre l’expérience que j’intitulais La calle ¿ A donde llega ? Evento social imaginario.
Pendant 6 mois Helen Escobedo et son équipe m’ont permis d’user des salles du musée…
Le Mexique connaissait une grave crise politique, économique et sociale. La classe moyenne et pauvre en subissait le choc direct et s’en plaignait amèrement. Et comme beaucoup de familles se rendaient en fin de semaine respirer un peu d’air moins pollué dans le Bosque de Chapultepec, elles passaient pour s’y rendre devant le musée, dont la façade officielle, de verre et d’acier, les dissuadaient d’y entrer. En en transformant l’accès visuel, grâce à la gratuité d’entrée, en les accueillant avec des animations de troupes populaires, je pus les inviter à s’exprimer sur les murs même du musée, sur des blocs de papier blanc grand format. Chaque salle eut un thème, tel que « Qu’est-ce que la société mexicaine ? La nature ? … Que voudriez-vous lire demain sur la première page de votre journal ?… »
Une polémique monstre fut déclenchée dans les médias par des artistes et des intellectuels qui dénoncèrent un détournement populiste et démagogique de la fonction du musée. Beaucoup vinrent aussi à ma défense. En quelques mois plus de trois cents articles, entrevues de radio et de télévision nourrirent ce débat public sur les rapports entre art et société qui était par excellence le genre de questionnement que l’art sociologique cherche à instaurer. J’avais appris l’espagnol l’hiver précédent pour me préparer à cette action. Cette immersion intense m’en a permis une acquisition définitive !
Réf : Extraits du Catalogue de Céret p 21
Nouvelle nature
Réf : Blog Avenir de l’Art 11/03/2016
Danse avec la mort
Lors de l’évènement social imaginaire « La calle Adonde llega? – Où va la rue ? » en 1983 au Museo de Arte Moderno de Mexico, il s’agissait de questionner la population sur son image de la société mexicaine, ainsi que sur la fonction sociale du musée. Avec le collectif d’artistes qui s’impliqua généreusement et très talentueusement dans cet évènement d’art sociologique, parmi les très nombreuses activités, je n’oublierai jamais cette rencontre et cette danse avec la mort, personnifiée par une actrice.
Le thème de la mort est évidemment tabou. Dans la culture mexicaine, il existe une familiarité remarquable des gens avec ce thème. A la Toussaint, c’est la fête avec des crânes et toutes sortes de représentations symboliques de la mort en sucre coloré. Une sorte d’exorcisme collectif de cette menace si présente dans la vie mexicaine, du fait de la violence et du sous-développement. Une volonté compensatoire aussi de fêter le plaisir de la vie tant qu’on l’a. Et pour moi, né dans une autre société, européenne, le frisson de danser avec celle qui peut m’emporter par surprise et sans mon consentement. En France, au Canada, à l’inverse du Mexique, on tend à cacher, nier, oublier la menace de la mort. Deux attitudes sociales opposées, révélatrices de deux imaginaires fort différents. La mort est un évènement culturel autant et plus que physiologique. Et il semble que plus on cache la menace de la mort, plus elle fait peur. La peur de l’invisible est manifestement plus grande que celle de ce que l’on voit.
L’imaginaire est beaucoup plus puissant que le réel, l’invisible que le visible. Et il en est de même dans le cas du désir. C’est aussi pourquoi le bonheur, lorsqu’il est là, visible et disponible, excite moins que son désir.
L’intensité des émotions est plus grande dans la peur et dans le désir, que dans la réalité de ce qu’ils évoquent. Une grande leçon de psychologie humaine, qui explique aussi l’importance de l’imaginaire dans le réel et de la mythanalyse pour l’élucider, et si éventuellement nous en libérer.