Extrait : Entretien avec Sophie Duplaix, commissaire de l’exposition au Centre Pompidou
Réf : catalogue exposition au Centre Pompidou (p 15-16)
A Amsterdam, à l’invitation de la Fondation De Appel, j’ai travaillé sur une autre population, celle du quartier de Jordaan, qui est le quartier des canaux, jordaan signifiant « jardin » en hollandais. C’est donc un quartier très pittoresque mais qui a beaucoup de problèmes parce que les gens ne peuvent plus y rester à cause de l’immobilier qui devient trop cher. Ce sont les riches qui viennent acheter les belles maisons au bord des canaux et les locaux sont obligés de partir. Alors je suis allé voir, comme je l’ai souvent fait, le P.D.G. d’un grand quotidien – à Perpignan, c’était l‘Indépendant, et ici, ça a été Het Parool, qui veut dire « La Parole », le principal journal d’Amsterdam. J’ai demandé au P.D.G. de me donner gratuitement huit pages. Pourquoi ? Parce que je voulais que les habitants du quartier Jordaan écrivent eux-mêmes chaque jour pendant une semaine leur propre information, expliquent comment ils voyaient leur quartier, quels étaient leurs problèmes, leurs projets, leur contestation, etc. J’ai donc ouvert dans le quartier Jordaan une petite boutique qui est devenue le bureau du journal et, avec un collectif d’étudiants hollandais, on a fait la promotion du projet sur les places de marché, dans les rues. Les gens sont rapidement venus parler de leur quartier qu’ils aiment, se plaindre de l’hôtel de ville ou des impôts, du prix de l’immobilier, de ne plus pouvoir payer leurs loyers, etc. On réunissait les articles que les gens écrivaient, les photos qu’ils apportaient , puis ils revenaient à notre local pour choisir textes et illustrations sur le mur, rédiger les titres, faire la maquette de la page du journal. On allait au bureau de rédaction de Het Parool, le soir, et les professionnels du journal les aidaient à finir la page qui, le lendemain, était publiée.