Extrait : Les signalisations imaginaires
Réf : catalogue exposition Céret (p 43)
Dès 1971, simultanément aux tampons d’artistes, usant d’un autre mode d’expression parmi les plus ordinaires, les moins élitistes, j’ai adopté le langage simplifié de la signalisation urbaine et routière, en commençant par les panneaux ronds de tôle émaillée représentant des contre-empreintes de main bleues ou rouges sur fond blanc, ainsi que le panneau de douane artistique : « Art – Avez-vous quelque chose à déclarer ? », une question directement inspirée des questionnements de l’art sociologique sur fonctionnement idéologique de l’art, les clivages culturels et politiques, les modes d’interprétation symboliques. Il y a la toute petite minorité des initiés, fiers de l’être et l’immense masse des autres, incapables de s’approprier les idées et les idées avant-gardistes.
Extrait : La signalétique sociale
Réf : Blog Avenir de l’Art 27/04/2013
Puisque nous avons choisi l’art plutôt que la science, la politique ou la religion, c’est avec le langage visuel que nous voulons tenter d’élaborer cette représentation du monde et ce culte de la vie dont nous redécouvrons la nécessité urgente.
Parmi les divers domaines de la communication sociale, où l’artiste peut intervenir dans le langage mass-médiatisé, la signalétique urbaine et routière nous paraît depuis longtemps un médium important pour l’artiste et nous le citerons ici à titre d’exemple.
Nous vivons en effet dans la civilisation de l’automobilisme. Les panneaux signalétiques du code routier nous proposent une symbolique liée au rythme social (vitesse), à la pédagogie de l’attention (série de panneaux annonçant un stop, un passage ou un danger (carrefour, priorité, verglas, etc.) et au respect de la vie (animaux, danger de feu en forêt, danger d’approche, etc.), à la nature, au bruit, à la nourriture, à l’hébergement, au tourisme, au travail, etc.
Il semble que nous retrouvions dans la signalétique sociale le langage symbolique et opératoire où nous pourrions repérer une représentation du monde. Nous pouvons aussi y recourir, en développant ses possibilités symboliques, perceptives et pédagogiques, pour élaborer une rhétorique du questionnement mythique, voire idéologique. Métaphore, métonymie, substitution, condensation, etc., pour citer quelques concepts linguistiques, y sont présents et peuvent mettre en jeu l’inconscient social par le biais des images symboliques, sans verser dans l’allégorie ou le kitsch. Car c’est là un langage opératoire qui, tout en utilisant l’image plutôt que le concept (pas toujours) parle sans délai des règles de la vie et de la conduite, selon un processus non pas d’identification, mais d’annonce ou d’avertissement, donc selon une dynamique et une urgence très éloignées de la consommation décorative ou kitsch.
La signalétique sociale met aussi en jeu un code de la route et de la conduite qui est langage de la contrainte sociale ou langage du respect de la vie (au seuil de l’éthique).
Elle est en plein accord avec notre sensibilité contemporaine d’automobilistes. Ces signes sont aussi des marquages du lieu, du corps de la nature, à la limite des signes magiques opératoires dont les ordres et les interdits, tel un téléguidage du conducteur, médiatisent socialement son comportement, ses perceptions, le rythme et les événements de son vécu.
D’autres secteurs de la communication visuelle, tels le conditionnement et la signalétique des marchandises, ou la publicité, des rébus d’images peuvent nous proposer des points de départ à la fois pour repérer et pour mettre en scène le mythe et le culte de la vie, en élaborant un langage artistique contemporain et social. Ces possibilités du mythe art ne font aucun doute. Il y a là encore des chefs-d’œuvre qui nous attendent et dont nous avons un besoin vital. Ils devront condenser la force du mythe et le mettre à nu dans un langage actuel interrogatif.
Les grands thèmes mythologiques sont peut-être appelés à renaître de leurs cendres. Aujourd’hui, la mère, la nature, la vie, sans doute plus que le père, tant que l’État est dans une phase de pouvoir omniprésent et sur-répressif. Mais si l’État dépérissait demain le thème du père redeviendrait peut-être essentiel et la mode le réactualiserait.
Les nombreuses performances réalisées entre 1974 et 1984 sont décrites par ville dans la rubrique ci-jointe.