Référence :
211164
Titre :
Qu’est-ce qu’un simulacre ?
Date :
2011
Famille/Série
Observations :
Bibliographie
Un simulacre peut tenir à la virtuosité du peintre ou du programmeur numérique, ou à un effet d’optique (mirage), mais il est surtout un effet de notre imaginaire, qui voit ce qui n’existe pas et nous le fait croire pleinement réel. Des philosophes de l’illusionnisme nous ont déjà suggéré que tout le réel n’est qu’un simulacre. Platon déjà, dans le mythe de la caverne, opposait les illusions de nos perceptions à la réalité des idées pures. Le film Matrix nous affirme la même chose, avec un pouvoir numérique difficile à contourner.
Nous savons que notre perception du réel est limitée et qu’un fichier numérique peut nous montrer l’invisible à l’oeil nu d’une galaxie ou d’une bactérie.
Difficile d’échapper au relativisme. Le simulacre peut être immobile ou encore plus changeant que le réel.
C’est la souffrance qui est sans doute le critère le plus indéniable du réel. Il faut dit-on se mordre pour être sûr d’exister. Et la souffrance des exploités, des malades, des torturés ne peut être niée au nom du relativisme. Un simulacre peut nous faire terriblement peur, mais pas nous faire souffrir dans notre chair comme la violence faite aux démunis, aux enfants.
Il y a des limites à nier la réalité au nom du relativisme. C’est l’éthique, plus que la métaphysique ou que l’ontologie, qui garantit la réalité de l’existence.
Pourquoi aimons-nous jouer aux simulacres? Goût du pouvoir? Relativisme? Cela tient surtout à la puissance de l’imaginaire, qui nous fait voir plus que les perceptions de nos sens? Le désir et la peur voient plus que les yeux, entendent plus que les oreilles!
Décidément, on ne peut nier l’existence du réel, mais pas davantage le pouvoir de l’imagination de le travestir ou de l’imiter. La phénoménologie nous dit à juste titre que notre image du monde dépend autant de nous que de la réalité qu’on dit « en soi » (encore une autre représentation imaginaire!)
Réf : Blog Mythanalyse 06/06/2011
URL
Le pansimulacre du réel
Beaucoup dénoncent l’hégémonie de l’économie dans le monde actuel. Mais ce constat vaut aussi pour l’informatique, qui, d’ailleurs, domine aussi l’économie, aujourd’hui dématérialisée. À elles deux, l’informatique et l’économie ont conquis la planète Terre, comme une déesse-mère pluripotente à deux têtes. Elles sont pour nous tout à la fois maternelles et anonymes, omniprésentes et lointaines, visibles et occultes comme toutes les divinités que l’on prie et que l’on redoute tout à la fois. Et elles ont toutes deux leurs prosélytes, leurs intégristes, comme toutes les religions qui tentent de nous imposer leur vérité totalitaire. Le vendredi était traditionnellement « jour maigre ». On faisait pénitence. Maintenant, le vendredi, on rend gorge. Le calendrier financier a pris la relève du religieux. Certes, heureusement, tous les vendredis ne sont pas noirs, ni les lundis non plus. Mais la Bourse rythme le quotidien de nos sociétés. Quel étrange phénomène anthropologique que cette nouvelle religion de l’argent, dont le Vatican est aujourd’hui à New-York et sera demain à Hong-Kong.
Mais le numérique va encore plus loin dans son hégémonie, que l’économie qui se limite à une vision quantitative de la planète Terre. Le numérique nous impose peu à peu un simulacre extensif, diversifié et total de l’univers. Un pansimulacre survalorisé par rapport au réel, parce qu’il nous semble plus vrai (précis, informatif, interprétatif), plus instrumental (contrôlable et efficace), infiniment grand, petit, et détaillé, illusionniste (trompe l’œil), séducteur, excitant et immersif. Mais aussi un pansimulacre trompeur, parce qu’il se présente à nous comme une technoscience mathématique et donc objective, anonyme et universelle, et cache d’autant mieux derrière l’illusionnisme de son apesanteur sociologique, les redoutables mécanismes de pouvoir symbolique du capitalisme et le cynisme des exploitations et des crises très réelles qu’il déchaîne. Nous vivons aujourd’hui dans un monde tout à la fois trivial et hallucinatoire, tant les rationalisations de détail déshumanisées d’un imaginaire exalté nous surplombent. Jusqu’où irons-nous en ce sens? Plutôt que de coloniser la Lune ou Mars, migrons-nous aujourd’hui dans une redoutable matrice virtuelle?
Nous avons mis en scène le triomphe de CyberProméthée dans un livre précédent. Nous avons souligné le caractère prométhéen de notre aventure humaine, rappelant que ce titan rebelle avait dérobé le feu de Zeus pour nous le donner et nous permettre d’accéder à la conscience et de transformer le monde à notre image. Mais en célébrant aujourd’hui le culte de l’économisme et du numérique, on peut se demander si nous n’avons pas succombé à une nouvelle aliénation. Avons-nous défié Zeus, Dieu le père pour tomber sous la coupe d’une déesse-mère à deux têtes ? Le mythe est puissant et nous allons en évoquer plusieurs facettes. Mais non sans en dénoncer l’abus de mots et de fièvre numérique. Les algorithmes binaires ne sont que des instruments conçus pour agir sur notre environnement. Il ne faut pas prendre l’outil pour la matière et l’énergie, qui demeurent infiniment plus complexes, obscurs et opaques, résistant à nos désirs et projets et finalement plus réelles que le numérique, même dans toute son enflure mythique et les dérives frénétiques de l’économie imaginaire qu’il a créée et encensée.
Réf : Blog OINM 16/08/2012
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