McLuhan, l’électricité et le numérique

Référence :
211262

Titre :
McLuhan, l’électricité et le numérique

Date :
2011

Famille/Série
Texte

Observations :

Bibliographie

Certes, McLuhan a eu l’immense mérite de nous faire prendre conscience de l’importance des changements technologiques dans notre évolution humaine. Personne ne l’avait fait avec autant de force et de lucidité avant lui. Beaucoup lui ont reproché d’avoir surévalué le rôle des technologies par rapport à celui des idées et ont dénoncé ce qu’ils ont appelé son antihumanisme. Ce fut bien à tort. Ils n’ont pas compris que la technoscience est au coeur de notre culture et de notre humanisme même. On ne saurait les opposer. Et c’est un fait d’évidence que les technologies changent aujourd’hui beaucoup plus vite que nos idées et déterminent de nouvelles valeurs, de nouveaux comportements.
Pour autant, McLuhan demeure de son temps. Il est un penseur de la civilisation de l’électricité. Il nous aide par l’exemple de son audace à interroger les effets des technologies numériques, mais il ne les a pas connus et c’est une erreur trop répandue que d’appliquer ses aphorismes et ses concepts à l’âge du numérique. Quoiqu’il en ait dit dans « Understanding media », la cybernétique n’est pas une application de l’électricité. Elle est une métaphore de la société de l’information. McLuhan se référait d’ailleurs beaucoup plus à la thermodynamique qu’à la cybernétique dans ses analyses.
Beaucoup confondent l’électronique et l’informatique, ce qui leur permet d’élargir la vision de McLuhan au numérique. Ils oublient que l’électronique réfère à des mécanisme électriques, éventuellement très sophistiqués, mais pas à des algorithmes informatiques.
L’électricité est une énergie. Elle appartient à l’âge du feu, comme la vapeur ou comme le nucléaire.
L’âge du feu, c’est celui de l’énergie. L’âge du numérique, c’est celui de l’information et du codage binaire. Deux interprétations physique et métaphorique, deux instrumentations du monde bien différentes. Deux cosmogonies distinctes. Ceux qui étendent les analyses de McLuhan de l’électricité au numérique créent une grande confusion. C’est pourtant ce que font la plupart des admirateurs de McLuhan.
L’information n’est pas une énergie, mais l’application d’un code, le code binaire à la production et à la diffusion de la connaissance. Elle est une programmation informatique basée sur des algorithmes. Ce n’est pas parce qu’elle recourt à l’énergie électrique qu’elle peut lui être réduite. Ses fondements sont d’une autre nature. L’énergie a un pouvoir de transformation physique de la matière, que nous avons appris à maîtriser et à utiliser universellement. Le code binaire est paradoxalement beaucoup plus puissant que l’énergie, en ce sens qu’il nous donne un pouvoir d’interprétation, d’instrumentation et de modélisation de la nature, ainsi que de nos sociétés humaines. Il a certainement aussi un impact direct sur nos structures cérébrales, dont il renforce spectaculairement le pouvoir de mémorisation, de calcul et de combinatoire. Le numérique est beaucoup plus étroitement lié à notre spécificité humaine de création que l’énergie, qui appartient davantage au règne de la nature.
McLuhan a été le dernier grand penseur de l’âge du feu. Un homme qui a compris magnifiquement les impacts de l’électricité. Mais qui ne pouvait pas penser en son temps les impacts du numérique. Il n’est pas un penseur du numérique et c’est à tort que ses disciples extrapolent ses interprétations de l’électricité au numérique. McLuhan lui-même soulignait que nous avons tendance à mettre les contenus des vieux médias dans les nouveaux. Nous devons plutôt penser les médias numériques de façon inédite avec la même audace que lui a su démontrer par rapport à l’électricité, donc avec de nouvelles intuitions et de nouveaux concepts: ceux des impacts de la généralisation du code binaire.
Réf : Blog OINM 13/11/2011

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