Référence :
211331
Titre :
Pour un hypercapitalisme
Date :
2011
Famille/Série
Texte
Observations :
Bibliographie
L’économie mondiale est devenue l’otage d’un capitalisme financièrement exacerbé. Pourtant, malgré les crises en cascades où celui-ci nous conduit, nous ne voyons aujourd’hui aucune alternative réaliste et crédible au capitalisme. Nous n’allons pas revenir au troc, ni au communisme. Depuis la chute du mur de Berlin et le constat des effets pervers du socialisme, les caïds du capitalisme n’ont plus eu aucune retenue. Ils sont devenus des prédateurs cyniques, avec une vision à court terme qui aboutit à l’autodestruction même du capitalisme dont ils ont tant profité. Cette petite minorité tire même de grands bénéfices de la volatilité financière et des crises qu’ils suscitent sur le dos de l’immense majorité des travailleurs et épargnants qui sont devenus pour eux une mine à exploiter sans merci. Les dérives sans frein de ces spéculateurs au détriment des citoyens ordinaires provoquent aujourd’hui des réactions généralisées de protestation. Ces gangsters ont des cravates, mais demeurent des tueurs. La violence du capitalisme est devenue intolérable. Les indignés dénoncent pacifiquement mais avec une obstination plus que légitime ce 1% d’enrichis qui imposent leur loi du plus fort aux Etats et au 99% d’exploités que nous sommes. Les loups ne tondent même pas les moutons, ils les dévorent de bon appétit.
Malheureusement c’est la logique même du néolibéralisme et de la déréglementation systématique institués par plusieurs gouvernements, à commencer par celui des Etats-Unis,qui nous ont conduit à cette situation. De sorte que ces professionnels de la spéculation ont le plus souvent agi légalement et impunément. Et qu’ils sont devenus si puissants qu’ils réussissent à bloquer toute initiative de réforme. Au coeur de la crise ils continuent à s’autorémunérer avec des primes au profit scandaleusement indécentes. Ils mènent le monde. Ils le mèneraient à sa perte sans crainte aussi longtemps qu’ils feraient de l’argent.
Je suis un indigné parmi des milliers d’autres, dont le nombre augmente chaque jour. Après la prise de conscience des écologistes, qui a conduit à l’engagement politique des verts et à des réformes – encore très insuffisantes – pour protéger l’environnement, le temps est donc venu d’un autre engagement politique, celui des indignés. Cette prise de conscience est mondiale, comme celle des écologistes, car les abus du capitalisme financiériste, comme ceux de la pollution, ont immédiatement des répercussions mondiales.
Il ne s’agit évidemment pas de mettre fin au capitalisme (pour le remplacer par quoi?), mais de le réformer profondément par un encadrement législatif appuyé sur des sanctions capables de ramener les spéculateurs à des pratiques raisonnables et légitimes.
Ne rêvons pas: le capitalisme est le moins pire des systèmes économiques que nous puissions envisager aujourd’hui. Mais il exige d’urgentes réglementations nouvelles qui mettent fin au chaos mondial dans lequel il nous a entraîné.
Les économistes connaissent les remèdes qui s’imposent, parmi lesquels les organisations coopératives, le renforcement des institutions de contrôle, le blocage de l’évasion fiscale et la suppression mondiale des paradis fiscaux, une redistribution fiscale équitable incluant la taxe Tobin sur la spéculation. Cela suppose aussi l’acceptation de valeurs de solidarité humaine, qui aillent dans le sens d’un hypercapitalisme au sens d’un capitalisme qui valorise les liens de solidarité, donc plus respectueux des consensus sociaux et de règles de jeu qui ne détruisent pas les valeurs humaines. Le modèle de la prise de conscience écologiste s’impose aussi au capitalisme et devrait se traduire par des contraintes de gouvernance mondiale équivalentes à celles de Kyoto. Les échecs de Kyoto, les retraits des récalcitrants, comme notamment le Canada actuel du gouvernement conservateur, ne devraient pas empêcher un progrès global dans cette voie, qui devient pour l’économie aussi urgent que pour l’écologie.
Cette nouvelle gouvernance financière est de la plus grande urgence, comme dans le cas de l’environnement. Elle exige des institutions mondiales de contrôle. Son application demeurera un défi constant, mais mettons nous dans la bonne voie avec obstination et il y aura place au perfectionnement. Nous n’avons pas d’autre choix. C’est un engagement citoyen. Et cette gouvernance mondiale permettra de réorienter nos économies, y compris la compétitivité et une spéculation légitime, stimulante et créatrice (non pas destructrice comme celle d’aujourd’hui) vers un meilleur modèle de capitalisme que sera l’hypercapitalisme: plus de capitalisme, un meilleur capitalisme, grâce à plus de liens de gouvernance mondiale.
Réf : Blog Hyperhumanisme 06/11/2011
|