Référence :
214025
Titre :
El digital como utopia neopositivista
Date :
2014
Famille/Série
Observations :
Bibliographie
Le numérique, comme utopie néo-positiviste
L’utopie est l’écho du futur qu’on imagine/désire, volontariste, ingénu, erratique, ou erroné, selon les cas. Lorsque nous en appelons à l’utopie du progrès, c’est d’éthique et non de technologie que nous parlons. Car notre avenir dépendra beaucoup plus de l’augmentation de notre conscience que de celle de notre puissance instrumentale. Or, à y bien penser, on se rend compte que les croyants du numérique – oui, cette religion fait parfois penser à une puissante secte émergente, qui compte ses prophètes, ses prosélytes et ses intégristes – voient l’avenir comme l’accomplissement du règne de l’intelligence hybride numérique/humaine qui permettra, selon eux, non seulement de vivre dans un monde entièrement intelligent, mais aussi d’en comprendre et maîtriser totalement l’interprétation et l’instrumentation. N’est-ce pas l’accomplissement du positivisme dont ont rêvé explicitement Auguste Comte et implicitement beaucoup de scientistes de laboratoires, notamment américains, mais aussi de fidèles de l’Eglise de scientologie ? Le numérique a pris le relais des utopies politiques du XIXe siècle. L’utopie technoscientifique nous promet à son tour des lendemains qui chantent. Espérons que cette nouvelle promesse finira mieux que les précédentes.
Et les prophètes du posthumanisme nous disent que ce sont les ordinateurs qui prendront notre relève, avec plus d’intelligence, plus d’équité, autant de sensibilité et moins d’erreurs. Certes, l’homme n’aura plus sa place dans cet univers soumis à une intelligence artificielle non plus collective, mais dictatoriale. Ce sont des logiciels sociaux qui nous géreront sans faille. Il est vrai que l’homme est souvent pervers, tandis que la machine, même cybernétique, n’a pas de défaut psychologique ou moral.
En attendant cet accomplissement de la perfection socio-numérique, la religion de l’humanité fantasmée par un Auguste Comte n’est rien en comparaison des rêves sociaux libérateurs de nos nouveaux gourous du numérique. Ils nous annoncent que nous allons tout gérer et contrôler, nous cloner, améliorer considérablement notre santé, notre longévité, notre bonheur, notre beauté, notre intelligence, notre mémoire. Ils nous prédisent que le numérique résorbera les inégalités économiques, effacera les conflits de territoires et de cultures, assurera l’éducation de tous les citoyens et le développement de tous les continents. Car, disent-ils, les ordinateurs apprendront à apprendre. Ils nous promettent que le numérique instituera une démocratie planétaire, le progrès social, l’égalité, la fraternité (Facebook nous permet d’avoir tellement d’amis!). Enfin, nous accéderons à une société planétaire intelligente et heureuse. Le magazine américain Wired, bible de ce cyber-imaginaire, a fait palpiter l’âme de toute une génération libertaire et lyrique d’internautes. On trouve dans l’imaginaire numérique tous les rêves, les peurs et les désirs des hommes du monde réel – tous les mythes archaïques.
La Raison a été discréditée par les barbaries de notre histoire moderne et le questionnement croissant de la science elle-même. La postmodernité a cru lui régler son compte. Et ce que la Raison des rationalistes positivistes du XIXe siècle n’a pas su atteindre, l’intelligence artificielle des ordinateurs du XXIe l’accomplirait ? Pour le bonheur de l’humanité ? C’est ce que croient les ingénieurs ingénus du numérique dans leurs laboratoires de robotique neurologique, de simulation cognitive et d’intelligence artificielle posthumaniste.
Réf : Blog OINM 23/01/2014
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