Référence :
214047
Titre :
Sociogenèse du carré parental, les variations de l’Autre
Date :
2014
Famille/Série
Observations :
Bibliographie
Nous avons mentionné l’évolution du carré parental qui devient un pentagone au fur et à mesure que le nouveau-né prend conscience de lui-même en se séparant du nouveau-monde qu’il confondait avec lui-même depuis sa naissance. Il est clair aussi que ce pentagone va se complexifier et exploser lors de l’apparition de nouveaux acteurs dans le carré parental (frères et sœurs, proches parents, étrangers, événements marquants, etc.). Mais cette structure élémentaire du carré parental de la naissance demeurera constitutive des mythes principaux dans nos sociétés occidentales actuelles – celles auxquelles se dédie la mythanalyse – , tant elle a été fusionnelle et originelle de la conscience fœtale et post-accouchement. C’est pourquoi nous continuerons à nous référer au carré parental comme structure élémentaire, dont le pentagone n’est qu’une évolution plus tardive.
Bien entendu, l’Autre va jouer un rôle de plus en plus important dans le développement de la conscience du nouveau-né au sein du carré parental moderne de la famille conjugale. Mais nous ne pouvons oublier l’évolution socio-historique antérieure de cette structure familiale élémentaire de l’organisation sociale. La famille conjugale basée sur un couple individualisé père-mère a succédé à celui de la famille indivise, telle qu’on la trouvait dans des sociétés antérieures, notamment tribales, claniques, beaucoup plus collectives, où le nouveau-né était confié aux femmes ou bien dans des sociétés matriarcales où l’oncle maternel avait plus d’autorité sur le nouveau-né que le père biologique. Toutes sortes de déclinaisons de cette organisation familiale/sociale ont pu se rencontrer, comme on l’observe aussi chez d’autres espèces. Chez les loups, par exemple, tout repose sur la meute. Malgré la fidélité indéfectible du couple, la meute domine toute conscience individuelle. Elle est soumise hiérarchiquement à un couple alpha dominant, aidé par un loup bêta; l’élevage des petits est organisé collectivement. Il en est tout autrement chez les fourmis ou les abeilles, ou a fortiori chez les poissons.
Il convient donc d’insister sur cette dimension sociale de la naissance. La fabulation du monde extérieur chez le nouveau-né humain se fondera sur les acteurs principaux du carré parental, qui peut donner un rôle dominant à la mère, ou au père ou à un oncle, ou à des frères ou sœurs (notamment dans le cas de jumeaux), ou au groupe, à une figure bienveillante ou hostile. Il en résultera des configurations mythiques variables, animistes, polythéistes ou monothéistes. Dans le cas de configurations polythéistes, le nombre de dieux peut se multiplier à raison des manifestations de l’environnement naturel (par exemple en Grèce la mer, les tempêtes, les montagnes, la foudre d’orages violents), dans d’autres environnements les arbres, les rivières, la pluie ou la sécheresse, et bien sûr les animaux qu’on craint, qu’on chasse, qu’on respecte. Les structures dominantes de la nature elle-même font partie de l’Autre, et peuvent être identifiées à l’harmonie ou à des menaces, au chaos ou au paradis terrestre, à la vie maritime, nomade ou sédentaire, etc.
Toutes ces variantes expliquent la sociogénèse très variable historiquement et socialement des configurations mythiques de chaque société dominante et se redécliner diversement dans les sociétés dominées, conquises, colonisées ou multiculturelles.
Ainsi, l’Olympe grec, tel que nous le présente Homère, diffère beaucoup de la mythologie égyptienne ou inca. Et aujourd’hui nous n’aurons pas en Chine les mêmes fabulations mythiques qu’en Bretagne ou en Afrique.
C’est en raison de ces variations de la sociogénèse mythique, que nous avons toujours rejeté les notions d’invariants de l’imaginaire social, tels que Gustav Jung avec ses archétypes, ou Claude Lévi-Strauss avec sa mathématique sociale ont voulu nous les imposer. Ils raisonnaient de façon trop ethnocentrique. Certes, dans l’espèce humaine, nous naissons tous d’un père et d’une mère, encore que ces invariants puissent varier avec les décès et avec la fécondation artificielle, ou avec l’adoption d’enfants dans des communes hippies, de sectes, ou dans des familles homosexuelles,. Et dans tous les cas, c’est tout autant l’interprétation idéologique de ces invariants (l’Autre) que la biologie elle-même, qui déterminent leur mode fabulatoire.
Réf : Blog Mythanalyse 03/03/2014
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