Référence :
212005
Titre :
Ethique planétaire; le paradoxe du numérique
Date :
2012
Famille/Série
Observations :
Bibliographie
Le paradoxe de l’éthique numérique
Ce n’est pas ici d’éthique dans la programmation informatique, ni dans la gestion d’une entreprise de produits ou services numériques que je veux parler. Ce sont certes des vertus fondamentales. Mais j’aborde une question beaucoup plus importante qui touche à notre évolution même. Je fais ici le pari que le développement accéléré et extensif des technologies numériques va avoir un impact majeur sur l’émergence d’une conscience planétaire plus exigeante et d’une éthique planétaire de plus en plus incontournable. Les raisons en sont difficiles à contester. Les voici:
1 – Les technologies numériques vont augmenter notre information planétaire, non seulement sur tous les évènements qui surviennent partout dans le monde, mais aussi sur tous les scandales qui contreviennent aux droits humains fondamentaux, suscitant une prise de conscience indignée et des pressions multiples pour y mettre fin.
2 – Les technologies numériques créent une transparence plus démocratique de l’information. Il devient de plus en plus difficile pour un dictateur ou pour un malfaiteur de faire ses manigances secrètement, sans que cela se découvre à temps ou que cela finisse par se savoir et que cela entraîne sa perte.
3 – Les technologies numériques et la technoscience permettent de mieux faire des investigations, de lire des disques durs d’ordinateurs, de retracer des itinéraires de porteurs de gadgets numériques et téléphones mobiles, de scruter par satellite des sites, de déchiffrer une ADN, de sorte que les crimes sont plus difficiles à commettre sans laisser de trace révélatrice. Et cela se sait.
4 – La puissance des technologies numériques devient telle que nous sommes contraints de prendre conscience non seulement de notre nouvelle puissance et liberté créatrices, mais aussi des risques auxquels nous soumettons notre environnement et notre vie humaine actuelle et future, tant du point de vue de la pollution que des manipulations génétiques. Nous réagissons déjà en imposant des commissions de contrôle bioéthique; nous nous efforçons de contrôler et sanctionner les pollueurs, les recherches génétiques et nucléaires dévoyées.
5 – Nous créons et soutenons conséquemment des agences internationales de contrôle nucléaire et biologique; nous soutenons la montée en puissance – encore chaotique, il est vrai -, des agences des Nations Unies, qui peuvent permettre de sanctionner et de réprimer les Etats voyous, de contrôler l’honnêteté des élections, de déloger des dictateurs criminels, d’imposer une « taxe carbone » sur les pollueurs ou une taxe Tobin sur la spéculation financière cynique et galopante qui nous menace aujourd’hui.
On pourrait énumérer encore d’autres aspects. Mais l’essentiel est déjà là. Et il est irréversible. Le développement accéléré des technologies numériques va faire évoluer notre cerveau humain et nous obliger à assumer une conscience et une éthique planétaires nouvelles et elles-mêmes en croissance accélérée. Elles vont aussi nous donner les moyens de savoir tout ce qui prétend se faire à l’insu de nos yeux numériques planétaires et d’y mettre fin avec des sanctions préventives et avec la force si nécessaire.
Les technologies numériques vont créer aussi un équilibre des forces entre adversaires, qui dissuadera les uns et les autres de commettre l’irréparable, comme lors des dernières guerres mondiales. Raymond Aron a fort bien analysé cette problématique de la dissuasion nucléaire réciproque, à l’époque encore très proche ou nous étions sous la menace permanente d’une nouvelle guerre mondiale entre les deux blocs de la guerre dite « froide ». Cela vaut aussi aujourd’hui pour les centres numériques de pouvoir militaire et financier, qui sont vulnérables réciproquement et dont dépendent toutes les forces stratégiques des grandes puissances, comme des petites.
Je le souligne souvent: il est paradoxal que ce soit une technologie, basée sur un code aussi basique que le binaire, qui nous contraigne finalement à évoluer anthropologiquement si radicalement, au niveau de notre conscience et de notre éthique.
Il est paradoxal que ce soit une technologie si triviale que le numérique qui nous fasse évoluer biologiquement si radicalement au niveau même de notre esprit, de nos synapses et de nos réseaux cérébraux.
Le numérique est désormais au coeur de notre humanisme. C’est en ce sens que j’appelle à un hyperhumanisme: plus d’humanisme par plus de liens et donc plus de solidarité planétaire, à l’opposé de l’individualisme fondateur de l’ancien humanisme bourgeois.
La beauté de cette évolution de CyberProméthée, c’est que cette nouvelle puissance de l’humanité lui enlève le choix de son évolution. Nous sommes contraints biologiquement par la technologie à plus de sagesse et de responsabilité éthique de l’esprit.
Réf : Blog Hyperhumanisme 07/01/2012
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