Référence :
212028
Titre :
Les mythes ne sont pas des bêtises
Date :
2012
Famille/Série
Observations :
Bibliographie
On entend tous les jours dire que telle ou telle idée, tel ou tel fait est un mythe. Dans le langage courant, un mythe est une fausseté que beaucoup croient vraie par naïveté. Ce serait un mythe que l’alcool fait vivre vieux, que l’âme-soeur se rencontre sur l’internet, que la poudre de corne de rhinocéros est aphrodisiaque, etc. La télépathie est un mythe, etc. Nous entretenons ainsi beaucoup de mythes, que tout esprit rationaliste, c’est-à-dire moderne, s’empressera de démystifier. Et c’est vrai que les humains croient à beaucoup de faussetés. Mais cette confusion d’esprit nous aveugle lorsque nous ne voulons pas admettre que Dieu, le rationalisme, le progrès, l’Histoire, la vérité, la nature, la modernité sont eux des mythes fondateurs de notre civilisation occidentale, voire de notre prétendue lucidité. Il faudrait mettre une majuscule à tous ces mots, parce qu’ils désignent de fait des croyances, c’est-à-dire des récits fondateurs de notre vision de l’origine et de la finalité du monde. Et dans ce cas, il ne s’agit pas de bêtises! Ces mythes architecturent nos imaginaires sociaux, structurent nos valeurs, déterminent nos comportements. Ce sont des imaginaires, mais dont on ne pourra nier le sérieux, ni la réalité sociale.
C’est au nom de ces mythes que nous démystifions la bêtise de nos superstitions quotidiennes. C’est au nom de la modernité et de la lucidité (le mythe de la lumière) que nous nous moquons de ces bêtises d’usage courant.
Rien n’y fait: les hommes mettent confusément les mythes et les faussetés dans le même sac. Ils ne sont pas encore prêts à reconnaître l’importance et l’actualité de ces mythes fondateurs de nos civilisations et à cesser d’appeler mythes nos bêtises. Je constate tous les jours la difficulté, l’incapacité qu’ils ont à prendre conscience de l’importance de la mythanalyse. Sans doute justement parce qu’ils se croient modernes! Et qu’ils croient qu’ils ont Raison. Et lorsque je dénonce cet aveuglement, cet obscurantisme, c’est encore aux mythes de la lumière et de l’ombre que je fais référence pour justifier mon énervement. Nous voilà enfermés dans un cercle vicieux de l’esprit humain. Oui, les grands mythes sont eux-aussi des faussetés, mais de ceux-là nous ne pouvons pas nous passer, même pour dénoncer des stupidités. Tout notre langage et notre pensée sont métaphoriques. Ils véhiculent des images et des références mythiques inconscientes pour raisonner, interpréter et agir. Mais il y a de bons et de mauvais mythes, des mythes utiles et des mythes pervers, de grands mythes et des bêtises banales. Il ne faut quand même pas confondre Dieu et le chocolat.
Réf : Blog Mythanalyse 15/02/2012
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Les mythes entre confusionnisme théorique et bêtisier populaire
La mythanalyse est encore confrontée tant au bêtisier populaire qui traite de mythe tout ce qui est faux et un confusionnisme théorique sidérant de la part de beaucoup d’intellectuels et écrivains académiques. On peut certes le déplorer. Mais j’y vois plutôt un domaine de réflexion vivant et significatif de ce qui circule dans les imaginaires sociaux.
Les façons de parler populaires ne devraient pas nous étonner. Le rationalisme ordinaire se prétend moderne et se moque donc de la naïveté infantile des mythologies anciennes. En outre, le rationalisme moderne nie évidemment, contre toute évidence, qu’il puisse exister aujourd’hui encore en Occident des mythes actuels qui surplomberaient nos imaginaires collectifs. Pour lui, le temps des mythes est terminé; celui de la science est commencé. Ces esprits démystifiés ne sauraient imaginer que nous soyons aujourd’hui sous l’influence d’autant de mythes, sans le savoir, que l’étaient les Égyptiens, les Grecs ou les Germains anciens. Or c’est bien cela qu’observe la mythanalyse!
Quand aux spécialistes, en général des historiens érudits des mythologies anciennes, aucun d’entre eux n’a jamais proposé aucune théorie articulée de l’origine des mythes. Pour eux, les mythes remontent à des temps obscurs, pour lesquels nous n’avons plus de documents, ou flottent dans les airs comme des archétypes ahistoriques et universels, ou ils nous viennent d’une peur fort répandue de la mort. Nous les avons inventés jadis pour nous expliquer l’origine et la destinée du monde, parce que nous nous interrogions confusément sur ces questions sans avoir de réponse. Mais, au-delà de citer Hésiode ou Homère, aucun de ces spécialistes ne tente d’expliquer pourquoi ces poètes les ont formulés ainsi, sauf à invoquer de vieilles traditions orales. Et certes l’érudition de ces mythologues ou mythographes, souvent admirable, tient lieu de science, permet des typologies, établit des liens, des ensembles, des filiations, des diversités entre plusieurs versions, voire croit pouvoir y déceler des structures linguistiques ou anthropologiques. Mais cela s’arrête là. L’origine ancienne des mythologies leur cache l’actualité de l’origine des mythes, qui est biologique et non pas historique; toujours renouvelée dans l’actualité et non pas un trésor hérité d’un lointain passé. C’est là précisément que situe la différence selon laquelle se constitue la théorie de la mythanalyse. En tout temps les hommes ont développé une pensée magique fondée sur les mythes en autorité dans leurs sociétés. Aujourd’hui comme hier. La modernité elle-même est un mythe.
Réf : Blog Mythanalyse 14/10/2014
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