Définitivement fermé

Référence :
212036

Titre :
Définitivement fermé

Date :
2012

Famille/Série


Observations :

Bibliographie

Closed for ever
De son vivant, Dieu était fort affairé. Ouvrant son bureau aux aurores, le fermant à la tombée de la nuit, il ne cessait de devoir répondre à des milliards de prières, d’inscrire sur ses fiches individuelles des milliards de péchés et pas mal de bonnes actions. Ses registres devenaient si épais qu’il ne parvenait plus à faire face à toutes ces activités humaines qu’il se devait de tenir à jour sur ses listes. Il n’avait même plus le temps de se pencher sur les urgences de ceux qui lui adressaient sans répit des suppliques, mettaient des cierges dans les églises, se confessaient, demandaient des grâces et des sacrements. Et c’était sans compter les procédures d’accueil et de sélection des arrivants, toujours plus nombreux, à la porte de Saint-Pierre, dont il fallait chaque fois vérifier les états de service dans les registres, avant de les envoyer aux Enfers, au Purgatoire ou de choisir leur rang au Ciel. L’augmentation démographique était devenue telle, que Dieu ne trouvait plus assez de volontaires parmi les morts placés au Purgatoire, pour consacrer leurs journées à ce travail bureaucratique ennuyeux, répétitif et souvent stressant. Pour l’an 2000 après Jésus-Christ, Dieu décida donc de numériser tous ses registres, mais c’était une gigantesque tâche, et un énorme budget. En outre, il ne trouva pas d’algorithme assez subtil pour bien discriminer les âmes pieuses, évaluer les valeurs religieuses et les arrières pensées des morts, et pour garantir une qualité absolue de tri et d’évaluation.
Il devenait incapable de gérer tous les fichiers en temps réel et avait de plus en plus mauvaise conscience de son retard, qui augmentait tous les jours et créait des embouteillages et d’interminables queues aux guichets. Les plaintes et les réclamations aussi, qui s’en suivaient, devenaient ingérables dans un délai raisonnable.
Devant son incapacité à répondre correctement et équitablement à tous, sachant que l’humanité allait grossir encore de quelques milliards d’individus, il décida de fermer son bureau et de prendre sa retraite. Il y avait droit depuis longtemps, étant donné son âge. Et après cette décision difficile mais nécessaire, il put enfin se détendre et être heureux.
Maintenant, il repose en paix. Amen.
Si seulement les humains n’avaient pas imaginé que Dieu veille sur chacun d’eux, les espionne sans cesse, enregistre toutes leurs pensées et leurs actes, et fait le bilan comptable lors de leur mort pour décider de leur éternité, Dieu n’aurait pas été pris dans cette logique infernale et serait resté le dieu inaccessible qu’il avait voulu être depuis toujours. Le Diable est dans les détails.
L’imaginaire humain est rarement cohérent, pour ne pas dire toujours ambivalent, contradictoire, dès qu’on l’examine attentivement, comme nos rêves. Ce sont aussi ces incohérences et ces absurdités qui le rendent si étonnant et significatif pour le mythanalyste.
Réf : Blog Mythanalyse 28/02/2012
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De l’éthique individuelle à l’éthique collective
La magie est une tradition païenne, qui vise la puissance et le contrôle des esprits et des personnes. Mais son évolution religieuse monothéiste a prétendu nous révéler le sens de notre vie, visant moins à changer le monde d’ici-bas qu’à y faire régner une morale individuelle prometteuse d’au-delà paradisiaque. Pour la religion, ce n’est évidemment pas la technoscience, mais l’éthique qui nous sauvera, faute de quoi le Dieu monothéiste peut nous faire périr par le déluge ou par ses habituels fléaux. Le christianisme n’avait pas l’ambition d’imposer une morale collective, mais plutôt de nous inviter chacun individuellement à sauver notre âme dans un monde terrestre de péché destiné à finalement disparaître. Nous savons aujourd’hui deux choses de plus qui sont de la plus grande importance. Premièrement, nous sommes passés de l’idée d’une morale individuelle capable de nous sauver individuellement à une éthique planétaire, seule capable de nous sauver collectivement. Deuxièmement, ce n’est pas la technoscience mais l’éthique planétaire, qui pourra changer le monde pour le meilleur. Car que nous importerait de sauver un monde toujours aussi scandaleux que celui d’aujourd’hui, si nous ne croyions pas à notre capacité de l’améliorer considérablement ?
Et l’esthétique ne saurait être un cache-misère, un voile artistique sur des horreurs insupportables. Elle ne se justifie que si elle se lie à l’éthique. Nous redécouvrons cette idée ancienne de lien entre le beau et le bien ! Elle doit être capable de nous donner accès à cette valeur morale qui nous dépasse individuellement. Déjà Robert Motherwell exprimait cette exigence : « sans conscience éthique, un peintre n’est qu’un décorateur ». Nous parlons bien sûr désormais d’éthique laïque, car l’éthique religieuse ne peut sauver que des âmes individuelles. Jadis, seul Dieu pouvait sauver le monde. Et aujourd’hui c’est l’humanité qui a le pouvoir de détruire ou de sauver la Terre.
Face aux scandales terrestres, contre l’homme l’art plaide pour l’humain. Il peut contribuer à une sortie de crise aussi bien politique qu’esthétique. Notre fragilité humaine ne saurait nous dispenser d’en embrasser l’ambition. Je voudrais, pour le dire, avoir des mots rageurs, écrire avec de l’encre rouge l’indignation profonde que l’on ressent face à l’exploitation et au cynisme généralisés qui entraînent tant de manques flagrants et répétés aux droits humains élémentaires auxquels nous assistons.

On peut donc prédire que c’est la vision éthique des artistes, qui déterminera de plus en plus leur représentation du monde. La beauté que l’homme peut ajouter collectivement au monde est éthique, dans le sens où l’on parle par exemple de commerce équitable, de développement durable et solidaire. Et elle constitue la seule réponse possible, en fait incontournable, au désenchantement généralisé d’aujourd’hui. L’éthique, c’est seulement l’exigence de justice humaine, ici-bas, et non pas divine, au-delà, comme le promettait la religion. En ce sens, et en ce sens seulement, l’art pourrait devenir un art de vivre ensemble. Voilà l’art de l’avenir.
Réf : Blog Hyperhumanisme 24/03/2015

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