Symbolique de la nuit

Référence :
214055

Titre :
Symbolique de la nuit

Date :
2014

Famille/Série


Observations :

Bibliographie

Le sommeil, comme régression fœtale (2)
Le talon d’Achille de Jung
Se coucher pour dormir incite la plupart d’entre nous à adopter une position quasi-fœtale du corps, susceptible de détendre le corps et de favoriser le sommeil: bras regroupés contre le haut de la poitrine et cuisses repliées vers le ventre. On peut aussi se coucher sur le ventre. Mais on garde rarement une position allongée sur le dos, comme si, on était debout-couché. Le corps répugne à la raideur et se courbe.
Se coucher, c’est aussi se blottir nu dans la tiédeur des draps qui nous protègent, qui nous recouvrent, y compris la tête, sauf à garder une libre respiration nasale, dans le silence et l’obscurité. On dort très difficilement dans le froid.
Nous ne saurions apporter ici de preuve scientifique, mais chacun reconnaîtra, en pensant à ses habitudes de sommeil, que ces postures du corps tendent à évoquer celle du fœtus dans sa vie utérine.
Ce retour quotidien lors du sommeil à une posture qui tend à rappeler l’apaisement de la vie fœtale ne saurait être sans signification pour la mythanalyse. Il est permis de formuler une hypothèse épistémologique importante. Ce sommeil qui évoque une régression fœtale régulière permet aussi une réactivation nocturne régulière d’une activité psychique fabulatoire donnant libre cours aux structures dramatiques qui se sont inscrites durablement dans notre inconscient lors des premiers temps de notre vie de fœtus puis d’infans. Nous l’avons déjà souligné: les exigences réalistes et rationnelles de la vie diurne perdant leur puissance dans le sommeil, la psyché fonctionne à vide, selon ses connexions originelles fortement imprimées dans notre psychisme (*). Ou plus exactement, la psyché – que nous appellerons tout aussi bien et plus modestement « la mémoire inconsciente » fonctionne en constituant des récits qui empruntent éventuellement aux faits marquants de notre vie diurne, mais de façon chaotique. Et elle formate ces narrations que constituent nos rêves et nos cauchemars selon une dramaturgie émotive, incarnant des désirs et des peurs, qui évoque celle même de nos premières fabulations mythiques, lorsque le monde et venu à nous et que nous avons anxieusement tenté d’en interpréter les perceptions physiologiques confuses. C’est ce chaos biologique originel qui trouve à nouveau à s’exprimer dans les récits obsessionnels ou loufoques de nos rêves et cauchemars.
Chaque nuit, ce sont donc nos premières fabulations mythiques, d’origine biologique, que le sommeil réactive dans notre inconscient. Et cette réactivation quotidienne de nos mythes originels durera toute notre vie, alimentant notre inconscient individuel et nos imaginaires collectifs dans lesquels ils trouvent aussi une seconde résonance qui renforce leur puissance inconsciente.
Cette hypothèse est fondamentale en mythanalyse, car elle explique de façon biologique et vraisemblable le mécanisme psychique individuel de perpétuation de nos mythes originels (non pas universels, mais ceux de la naissance du monde qui vient à la conscience de l’infans) dans notre inconscient individuels, et, par le biais de la création culturelle propre à chaque groupe social, des inconscients collectifs.
Le fait que c’est ce même processus biologique qui se retrouve chez tout être humain lorsqu’il est accouché, dans la matrice dramatique du carré familial, a donné lieu à l’illusion si répandue et affirmée notamment avec tant d’autorité par Jung et ses disciples, que nous étions face à des archétypes et à un inconscient collectif archaïque (remontant à la nuit des temps) qui serait universel. Ce qui n’était cependant jamais expliqué, c’est non seulement quand et comment se serait formé cet inconscient déclaré archaïque; ni pourquoi il demeure si puissant. En affirmant au contraire que cet inconscient n’est ni archaïque, ni universel, mais qu’il se constitue et se répète, avec des variations sociohistoriques et culturelles importantes, lors de chaque naissance humaine, nous formulons une hypothèse beaucoup plus modeste (sociobiologique), beaucoup plus claire et beaucoup plus pertinente. C’est en ce sens que ce que nous appellerons ironiquement « le talon d’Achille » de Jung est fatal à sa théorie de l’inconscient collectif universel, quelle qu’ait pu en être, par ailleurs, la fascinante érudition, qui ne saurait tenir lieu de théorie.
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* J.ai déjà abordé cette question plusieurs fois, notamment dans mon blog La dynamique constructive des rêves: http://mythanalyse.blogspot.ca/2009/04/la-dynamique-constructive-des-reves.html
et dans mon blog Rêves et cauchemars.

Réf : Blog Mythanalyse 05/09/2014
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La contrainte du sommeil nous apparaît souvent comme un désordre, une contrainte qui perturbe notre vie quotidienne, à laquelle on ne peut biologiquement se soustraire, mais qui constitue une sorte de dysfonction. On pourrait de même s’interroger sur le cycle des jours et des nuits, que nous expliquons maintenant par la rotation de la Terre sur elle-même : un phénomène purement astrophysique, mais qui devait paraître jadis comme une étrange volonté des dieux. A croire que le dieu Soleil ait lui aussi besoin de se coucher et de dormir comme un simple mortel, et que la lune et les étoiles soient comme des oiseaux nocturnes.
De même, du sommeil, nous avons aujourd’hui toutes les explications biologiques requises. Il est un temps de récupération physiologique, de renforcement de notre système immunitaire, etc. La preuve: nous ne pouvons survivre sans sommeil. Mais il donne encore aujourd’hui lieu à toutes sortes d’interprétations irrationnelles. Le sommeil, comme la nuit, suscitent une ambiguïté d’interprétation qui est celle de beaucoup de mythes: en bien et en mal. Et comme la nuit, il détient communément une forte symbolique.
La nuit est identifiée à la peur, à l’insécurité, aux démons; mais les poètes romantiques l’ont aussi chantée et exaltée pour son pouvoir onirique. Et le ciel étoilé invite à une spiritualité empreinte de sérénité. Le sommeil, de même, apaise et inquiète. Temps bien mérité de la relaxation, qui nous permet d’échapper pour un moment à toutes les angoisses quotidiennes et de retrouver le contact physique avec l’être aimé, il est aussi une petite mort qui nous livre sans défense aux dangers de la nuit et aux cauchemars. Ces interprétations ont certes un fondement physique et biologique, mais la symbolique de la nuit et du sommeil demeure puissante. Ils nous rappelle l’étrangeté de notre condition humaine. Ils sont chargés de mémoire et d’interprétation mythiques.
Cette symbolique qui nous ouvre la voie vers un autre monde irrationnel se présente comme l’opposé de l’action, de la compétition, du pragmatisme, du réalisme, de l’effort et du travail, de la démystification lucide, qui sont les attributs de l’état de veille. Cette symbolique est celle de l’autre face de la réalité et de la vie, le domaine de la pensée magique, du sentiment religieux, de l’ailleurs. comme si nous avions les pieds sur terre et la psyché dans un au-delà.
Voilà bien la condition binaire de l’homme, qui a un corps et imagine avoir aussi une âme, des bras pour agir et une antenne vers l’irrationalité. Pour les esprits les plus matérialistes, serait-il pensable de réduire cet espace onirique aux seuls processus de la physiologie ? Certes, nous observons que les animaux aussi rêvent. Mais nous résistons, comme par instinct, à une telle question, qui nous semble trop réductrice. Et pourtant, à moins de verser dans la psychanalyse jungienne, qui valorise cet ailleurs de l’inconscient, comme une transcendance, il nous faut postuler que la psyché relève seulement de la biologie et de la sociologie. Formatée dans la matrice familiale, elle est l’objet d’étude de la mythanalyse, qui se veut une démarche démystificatrice matérialiste.
Pour autant, la mythanalyse ne nie en rien la force symbolique de la nuit et du sommeil. Bien au contraire, elle s’y intéresse vivement, comme à toutes les manifestations de notre activité fabulatoire. Le poète Hölderlin écrivait: «c’est poétiquement que l’homme habite», Il avait perçu cette évidence: la condition humaine est mythique. L’interprétation que nous concevons du monde et de nous-mêmes est mythique. La pensée aussi bien que l’imagination, les affirmations rationnelles aussi bien que nos dérives irrationnelles sont de nature mythique, chargées les une comme les autres de connotations symboliques qui renvoient à l’origine mythique de la formation de notre conscience.
Réf : Blog Mythanalyse 09/09/2014
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