Référence :
214079
Titre :
Eve et Pandore
Date :
2014
Famille/Série
Esquisse
Observations :
Bibliographie
Réinterpréter les mythes biblique et grec de la première femme
Pandore est dans le mythe grec la première femme, et elle a tous les dons (en grec ancien Πανδώρα / Pandṓra, « un cadeau de tous les dieux »). On a beaucoup célébré Prométhée, on en a fait même un adjectif valeureux pour évoquer le mythe prométhéen. Rien de tel pour Pandore, qui renvoie aussitôt à la connotation négative de la boîte de Pandore, qui contenait tous les maux de l’humanité et que Pandore a commis la faute fatale d’ouvrir. Elle était d’ailleurs, sur ordre e Zeus, l’épouse Épiméthée (celui qui est comprend trop tard), le frère de Prométhée (celui qui prévoit). Et cela mérite plus ample investigation.
La mythanalyse voit dans Prométhée le fils qui trompe le père (il vole le feu de Zeus) pour le donner aux hommes (le feu est la conscience et la puissance). Rien de tel avec Pandore, pourtant si proche du mythe prométhéen, comme si le carré parental comprenait Père, Mère, Fils, l’Autre, mais pas de fille. Bien sûr le machisme des mythes (en particulier celui d’Hésiode à qui nous devons ce récit mythologique) et des idéologies suffirait à expliquer la célébration du fils et l’absence de la fille. Mais ce n’est pas une raison pour en demeurer là. Il ne peut y avoir de fils sans les filles qui enfantent fils et filles.
La mythanalyse se doit de revenir sur le mythe de Pandore, – et aussi sur celui des femmes guerrières, les Amazones -, d’en déchiffrer les paramètres et les récits les plus porteurs, et de réactiver la force positive du mythe de Pandore. La mythanalyse n’est pas l’analyse historique érudite et prétendument objective des mythologies et de leurs multiples et confuses variantes. Elle est tournée vers les temps présents et se donne pleinement le droit non seulement de choisir entre les mythes qu’elle juge porteurs ou destructeurs, mais aussi de métamorphoser les mythes, de les réactiver, voire de les créer s’ils peuvent donner espoir d’un monde meilleur.
Ainsi, avec la volonté de redonner à la Fille face à la construction de notre avenir, un rôle porteur égal à celui du Fils dans notre imaginaire collectif, la mythanalyse se propose d’explorer le mythe grec de Pandore, d’en restructurer la force positive en choisissant parmi les diverses variantes et contradictions des récits et de leurs interprétations anciennes celles qui se prêtent le mieux à une actualisation et à lui redonner un rôle mythique qui rende justice au rôle des femmes aujourd’hui.
La mythanalyse devrait parallèlement revoir aussi l’interprétation chrétienne du rôle si négatif d’Ève dans le mythe biblique. Car la pomme de la connaissance qu’elle offre à Adam, et qu’elle mord avec lui, appelle à une interprétation fondamentalement positive de l’aventure humaine. C’est grâce à Ève que l’homme prend conscience de lui-même et assume son rôle terrestre, accèdant à la connaissance du bien et du mal, et à la liberté. Sans Ève l’homme serait demeuré un uncérébré paradisiaque.
Le parallèle entre Ève et Pandore s’impose au mythanalyste. Et il en est de même de la pomme et de la boîte de Pandore, qui donnent toutes deux accès à la conscience – et inévitablement aussi à la conscience des maux et de la souffrance.
Le machisme du christianisme et de l’Eglise catholique n’est pas à démontrer. Je l’ai déjà souligné dans Nous serons des dieux (vlb, 2005), l’interprétation négative de la femme, source du péché,dans la mythologie biblique, doit être dénoncée et retournée dans un sens positif. Nous le devons à l’exigence contemporaine d’égalité entre les femmes et les hommes. Mais on admettra que la tâche est plus claire par rapport au mythe biblique que par rapport au mythe grec. Dans le cas de Pandore, tout est à faire. La mythanalyse doit réinterpréter le récit accusateur d’Hésiode et l’adapter à notre exigence d’égalité homme-femme en mettant en valeur le rôle positif, constructeur de Pandore, pour recréer le mythe dont nous avons besoin aujourd’hui.
Dans tous les cas, voilà donc la Fille qui vient dans le carré parental se joindre au Fils sous le vocable du « nouveau-né ».
Le mythe biblique est négatif, il soumet l’homme à Dieu, qui le punit. Le mythe grec est positif, le Fils triomphe de Zeus en lui volant le feu pour le donner à l’homme. Devrons-nous retrouver la même opposition entre les deux mythes dans le cas de la Fille, opposant la signification d’Ève à celle de Pandore? Ce sera le thème de notre prochain texte.
Réf : Blog Mythanalyse 05/03/2014
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