Référence :
212157
Titre :
Le repos du guerrier
Date :
2012
Famille/Série
Esquisse
Observations :
Bibliographie
Structure pulsionnelle, structure chromatique. Peinture numérique (2012).
Réf : Blog Avenir de l’Art 10/2012
URL
Depuis les guerres napoléoniennes contre la Russie que décrivait Tolstoï dans son célèbre roman Guerre et paix, les technologies militaires ont changé du tout au tout. Oubliez les chevaux et les boulets de canons : nous sommes passés au numérique. McLuhan l’a souligné : c’est la guerre qui fait le plus progresser les technologies. Ce fut vrai avec la maîtrise du feu, puis du fer. Il en est de même aujourd’hui avec l’âge du numérique.
On a pu comparer les guerres actuelles à des jeux vidéo. Le général américain Schwarzkopf, responsable des opérations lors de la première guerre contre l’Irak, avait lui-même fait la comparaison lors d’une entrevue à la télévision et évoqué les militaires commandant à distance, à partir des États-Unis, les opérations sur le terrain, quasiment avec des joysticks. On sait d’ailleurs que l’entraînement des soldats se fait, comme celui des pilotes d’avion, avec des écrans de simulation et des consoles de jeux vidéo. Ils sont éventuellement équipés d’exosquelettes capables de décupler leurs forces physiques et de prothèses numériques leur permettant d’être branchés en permanence entre eux et avec leur commandement, de voir la nuit et de détecter des déplacements d’objets ou d’être humains cachés (vision intelligente et global positionning systems), etc. On utilise des drones espions, qui sont des avions sans pilote, télécommandés, qui prennent des photos ou qui bombardent, et on imagine déjà des guerres menées sans humains, par des soldats-robots.
Les guerres sont aussi des guerres de communication. L’internet a été d’abord développé par les militaires américains pour construire des réseaux de communications afocaux que l’ennemi ne pourrait pas détruire. On utilise désormais des satellites espions permettant une surveillance globale des communications ennemies (le réseau Echelon, mis en place dès les années 1990 par les Américains et les pays du Commonwealth, et son pendant européen Galileo). Il s’agit notamment de surveiller touts les messages sensibles en les scannant et de satisfaire ainsi aux demandes d’intelligence des services secrets. Face aux menaces terroristes, ces infrastructures de cybersurveillance militaire et même civile (Patriot Act) ont été puissamment renforcées. Lors de la guerre de Yougoslavie de 1999, les Américains ont utilisé des bombes au graphite pour brouiller les communications ennemies, notamment au-dessus de Belgrade, et rendre ainsi les états-majors serbes inopérants.
Les hackers professionnels sont désormais au service des Chinois, des Russes et des Américains, qui s’envoient secrètement des virus, des logiciels espions, et s’efforcent en permanence de déchiffrer les mots de passe des armées ou des réseaux électriques, soit pour s’y introduire, soit pour les paralyser. Cette cyberguerre est devenue permanente; et elle a été par moments très virulente. Les bunkers de béton armé de la deuxième guerre mondiale ont laissé place aux Firewalls sophistiqués des réseaux numériques actuels, que les adversaires tentent sans interruption de percer. Nous sommes désormais à l’âge de la i-Defense et de la guerre électronique. Le sujet est inépuisable et les technologies en constant développement.
Nous n’avons parlé que de guerre. Et la paix? Bénéficie-t-elle, elle aussi, des progrès du numérique? Sans doute la parité des capacités numériques de chaque grande puissance assure-t-elle une sorte d’équilibre, comme celle des armes nucléaires. La dissuasion numérique existe, chacun se sentant vulnérable à l’autre. Mais en termes de paix, le numérique est manifestement aussi un outil de démocratie, de développement et d’éducation de plus en plus efficace. Les organismes humanitaires, qu’ils se consacrent à la défense des droits de l’homme, aux luttes écologiques, ou à l’aide aux populations démunies, recourent de plus en plus au numérique et en tirent une efficacité nettement accrue. Les laboratoires biologiques ne servent pas seulement à amasser des armes biologiques – théoriquement interdites -, mais aussi à développer des médicaments et des vaccins. Mais même en incluant la médecine dans les activités humanitaires, même en comptant l’UNESCO et les Nations Unies dans leur ensemble, qui oserait penser que les investissements dans le numérique pour la paix comptent pour beaucoup, alors que ceux pour la guerre engloutissent des milliards. Il faut être un optimiste convaincu pour croire que cette sinistre proportion évoluera peu à peu en faveur d’un âge du numérique pacifiste. L’horizon de cette divergence nous paraît encore éloigné à l’infini. La paix demeure une conquête plus difficile et incertaine que celle du numérique, même si elle serait pour l’humanité un bienfait infiniment supérieur au progrès technologique lui-même. L’algorithme de la paix reste à inventer. Il nous faudrait… une volonté numérique, mais sans devenir des cyborgs! Mais le jour viendra où nous y parviendrons, avec nos cerveaux d’hommes.
Réf : Blog OINM 14/05/2013
|