Référence :
218007
Titre :
Le temps est un récit…
Date :
2018
Famille/Série
Observations :
Bibliographie
La structure narrative du bestiaire mythanalytique que j’ai développée à partir de mes observations, mettant en évidence dix stades du développement de nos facultés fabulatoires, en m’inspirant de la psychologie génétique de Piaget, peut s’accorder avec les analyses morphologiques du conte selon Vladimir Propp et surtout avec la structure narrative relevée par Tzvetan Todorov.
Cela donne le schéma suivant du cycle ou de la courbe de la vie selon le schéma quinaire exposé par Todorov:
phase 1: la situation initiale ou préparatoire:
le stade fœtal
équilibre, stabilité, unité biologique du fœtus avec sa mère dans la poche utérine
phase 2: élément perturbateur :
le stade du chaos
l’accouchement, rupture dramatique de l’équilibre initial, surgissement du chaos lorsque le
monde naît à l’enfant. Douleur.
le carré parental
mise en scène des acteurs du drame : la nostalgie de la mère, le surgissement du monde,
l’apparition du père et de l’autre (la société)
phase 3: l’action, les épreuves:
le stade de la tortue sur le dos: impuissance biologique de l’in-fans qui est réduit à imaginer
le stade de l’ourson: le nouveau né apprend à distinguer son corps et son je du monde
extérieur
le stade du pingouin: l’enfant se met debout et explore le monde extérieur. Il commence à en conceptualiser les éléments avec des mots
le stade du homard: l’enfant affirme sa différence individuelle, se révolte contre le monde et
veut le changer selon son imagination
phase 4: l’événement de résolution:
le stade du papillon: l’adolescent se déploie, devient narcissique et commence à butiner
dans le monde. Il mue (sa voix aussi) et devient pubère
le stade adulte: l’enfant prend son vol et rejoint le monde adulte où il prend progressivement
sa place
phase 5: la résolution finale:
le stade de la conscience augmentée:
l’adulte en vieillissant mature, revient à la stabilité ou l’équilibre originel. Il prend de plus en
plus en compte sa conscience augmentée, planétaire et impliquant l’éthique planétaire. Il
prend conscience aussi après la dynamique linéaire des phases précédentes, du cycle de la vie
qui va de la naissance à la mort et cultive une sérénité si possible joyeuse. Il sait que le cercle
biologique de son voyage dans la vie va se refermer, ou, que la courbe de son énergie vitale
redescend vers la mort.
Certes, comme sociologue, je n’attribuerai pas comme Todorov une portée universelle à ce schéma narratif, dont la structure est nécessairement liée à celle de la société occidentale. En outre, il est probablement facile d’ajuster une narration complexe à cette structure en en redécoupant diversement les étapes et modifiant les interprétations. Il n’y a dans mon insertion du schéma mythanalytique aucune certitude objective. Mais j’admets que la fiction fictionne bien.
De la morphologie du conte de Vladimir Propp, je retiendrai surtout mon recours à un bestiaire et à un héros. L’Homme dans les phases de sa vie peut être identifié à des animaux imaginaires successifs, qu’on pourrait identifier aux animaux des contes de fées, lutins, malins génies, dragons, sorcières, etc. de l’imaginaire du conte. J’ai choisi la tortue, l’ourson, le pingouin, le papillon, plutôt que le loup, l’oiseau ou le serpent. Autrement dit, nous pensons par références à des images d’esprits des animaux, nous fabulons des états animaliers, parce que le développement de nos facultés fabulatoires dépendent du développement de notre corps, de nos sens, de nos émotions et peurs seulement (stade de l’in-fans), puis en symbiose avec nos constructions conceptuelles à partir du stade du pingouin (qui commence à parler).
Pour le reste – le principal – de l’interprétation morphologique proposée par Propp, je vois moins comment y insérer le bestiaire mythanalytique, tant mon interprétation mythanalytique de la vie me semble éloignée du merveilleux du conte russe à multiples éléments et événements qu’il met en scène. Je n’exclue pas cependant d’y revenir après plus de réflexion. Peut-être cela tient-il à une spécificité de l’imaginaire slave par rapport à l’esprit français.
Le temps est un récit
Nous pourrions en rester à ce point. Mais il est insuffisant. Si nous observons que le récit du bestiaire mythanalytique s’inscrit – comme par chance – dans la structure narrative de Todorov, ne faut-il pas se demander d’ou vient cette constante structurelle. Et la réponse pourrait précisément être mythanalytique. C’est très possiblement l’universalité de cette gestation biologique de nos facultés fabulatoires que nous retrouvons dans tous les récits qu’a analysés Todorov et donc dans sa théorie.
Et la question difficile qu’il nous faut alors nous poser est celle de cette universalité biologique. Dans quelle mesure est-elle relative? Dans quelle mesure l’interprétation de son récit est-elle soumise à la structure et à l’idéologie de la société où elle se constitue (l’autre, que nous prenons en compte dans le carré parental)? La sociologie nous impose de le postuler. Reste à mener une analyse comparative. Nous ne doutons pas que nous découvrirons une déclinaison sociologique du récit, et sans doute aussi un redécoupage des séquences qui se décline sociologiquement.
Il faut en conclusion l’admettre, et même le souligner: la mythanalyse est une théorie occidentale, une fiction sociologiquement déclinée d’un même processus biologique, marquée par ma culture propre. Et ce n’est pas nous, immergé dans la culture occidentale, qui serai le mieux placé pour mener cette analyse du différentiel narratif entre l’Orient, l’Afrique et l’Occident dans toutes ses nuances.
Réf : Blog Mythanalyse 06/12/2018
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