Référence :
218017
Titre :
L’inconscient est un concept d’inspiration typiquement romantique
Date :
2018
Famille/Série
Observations :
Bibliographie
Avec le recul du temps, la psychanalyse se présente à nous comme un chef d’oeuvre du romantisme européen. Freud n’est pas l’héritier du Siècle des lumières, de Voltaire, Diderot, Rousseau, Condorcet. Il est l’héritier des « Souffrances du jeune Werther », et du « Faust » de Goethe, de l’onirisme de Novalis, du mythologisme grec de Hölderlin, des nuits de clair de lune et des mélancolies de Lamartine et Lord Byron, du mal d’être de Musset, des grottes, cavernes et forêts sombres de tant d’autres romantiques émotifs et malheureux. Il est nourri par la « philosophie de la nature » de nombreux auteurs allemands du XIXe, qui croyaient à une réalité spirituelle invisible liant notre psychisme à la nature, à commencer par Schelling (« La Nature, c’est l’Esprit invisible; l’Esprit, c’est la Nature invisible »). L’inconscient a tous les traits d’une quête romantique: l’archaïsme, le flou ténébreux des Elfes et autres forces secrètes, parfois maléfiques, le côté maladif, les malédictions mystérieuses qui s’emparent de l’esprit, voire la possession. Il exige les exorcismes du magicien analyste.
La psychanalyse se nourrit des états d’âme romantiques: les tourments, la maladie, le fantastique, le mystère, « l’inquiétante étrangeté » (Freud), les angoisses, les passions et les pulsions du Sturm und Drang, » l’être troublé par les passions qui peuvent obscurcir l’esprit de l’homme » de Goethe. Il adopte à son tour la tendance au symbolisme du romantisme. Il explore le culte bourgeois de l’individualisme, il reprend dans sa pratique thérapeutique les Confessions d’un enfant du siècle de Musset. Il invente des fables moyenâgeuses: L’Homme aux rats, l’Homme aux loups. Jung lui-même affectionnait de se retirer dans une tour moyenâgeuse au bord du lac de Zürich pour mieux se disposer à explorer l’archaïsme de l’inconscient. Freud est l’héritier de Charcot; il analyse l’hypnose, les hallucinations, le « Malaise dans la civilisation ». Estimant que nous souffrons tous de pathologies mentales, de névrose, il assume la vision tragique du romantisme.
Les sources romantiques si évidentes de la « découverte » freudienne nous montrent que l’inconscient n’est pas le résultat expérimental d’une recherche d’ordre scientifique, mais une production idéologique typique de la littérature philosophique du XIXe siècle. D’ailleurs dans cette quête incessante à prétention médicale Freud ne se limite pas à une prudente pratique clinique, il ne craint pas de fausser ses résultats, il se contente de quelques cas singuliers pour généraliser ses écrits. Il se révèle comme un écrivain pris dans le mal d’être de la condition humaine, dédié à l’analyse des rêves et des souffrances de l’homme. Fabulateur de génie, il est un médecin-psychologie-écrivain qui s’inscrit la tradition romantique du XIXe siècle.
La psychanalyse qu’il a développée est demeurée une démarche romantique dans toutes ses dérives, ses malaises de sectes opposées, sa conception pessimiste et tragique de l’homme, ses nombreuses oeuvres littéraires, les excentricités lacaniennes. C’est en cela que la psychanalyse nous intéresse toujours, qu’elle fascine les créateurs, les intellectuels et même les neurologues qui n’y croient pas. Freud est l’inventeur d’un mythe, l’inconscient, dont le récit est la psychanalyse. Ses héritiers célèbrent légitimement son génie, comme les prêtres étudient respectueusement la Bible et en débattent théologiquement. La psychanalyse synthétise le mythe romantique pour longtemps, car elle en est l’expression la plus accomplie et le malaise humain et l’évasion onirique qu’elle met en scène ne sont pas prêts de disparaître.
Réf : Blog Mythanalyse 14/07/2018
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