Le stade de la conscience augmentée (série 10/10)

Référence :
21201

Titre :
Le stade de la conscience augmentée (série 10/10)

Date :
2012-2014

Technique :
Acrylique sur toile

Famille/Série
Le bestiaire de la mythanalyse, 10 toiles
Dimensions
183 x 122

Signature
en bas, à gauche

Provenance
Collection particulière

Observations


Expositions
ECI

Bibliographie
Peinture et mythanalyse (2012)
Cette femme bleue qui s’en va, ces têtes de mort que je dévisage et qui prennent des couleurs de crème glacée, à l’opposé de toute morbidité, marquent un moment longtemps mûri, de libération. La mort n’inhibe plus la vie. Un cheminement qui a pris cinq dizaines d’années, qui est passé, depuis 1970, par la déchirure et l’hygiène de l’art, l’art sociologique, les signalisations imaginaires, la Pharmacie Fischer, le bureau d’identité imaginaire, le développement du concept de mythanalyse, abordé dans le dernier chapitre de « L’Histoire de l’art est terminée ».
Une réflexion théorique publiée en 2000: « Mythanalyse du futur » et poursuivie dans une série de livres portant sur l’imaginaire du numérique : « Le choc du numérique », « CyberProméthée », « La planète hyper », élargie avec « Nous serons des dieux », « La société sur le divan », « Québec imaginaire et Canada réel ». D’autres livres vont paraître, qui attendent chez l’éditeur.
Abordant les codes de couleur saturée de la société actuelle dans une série de peintures que j’ai appelées « chromos », je peux m’aventurer maintenant dans un déchiffrage plus diversifié des imaginaires sociaux que je ne l’ai fait jusqu’à présent, alors que je peignais les icônes du numérique. Cette peinture mythanalytique va explorer nos mythes actuels et, bien entendu, leur résonance dans l’inconscient individuel. La peinture offre des voies de révélation intuitives qui s’arriment à l’analyse conceptuelle, l’élargissent, la nourrissent et en renforcent la vertu thérapeutique que j’attribue à la mythanalyse, et qui passe non pas par le divan, mais par la toile.
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Vaincre la mort (2013)
Burlar la muerte, dit-on en espagnol: tromper la mort. Je préfère dire : vaincre la mort.
Lorsque l’artiste ou le philosophe découvre dans sa conscience la plus intime, dans le va-et-vient de ses illusions et de sa lucidité qu’il a fait oeuvre, une oeuvre capable de lui survivre, lorqu’après des années de travail acharné, obsessif de questionnement, d’engagement, d’action et de défis, il peut esquisser un sourire de victoire, lorsqu’envers et contre tout, à force de volonté d’élucider et de créer, malgré l’indifférence et les frustrations, il croit comprendre qu’il a bâti un édifice pérenne, lorsqu’après diverses névroses, déprimes, deuils de soi-même et ressaisissements, à force de persévérance et de démystifications répétées, il peut estimer enfin que son travail a porté fruit et ne mourra pas avec lui, alors il peut se dire que lui aussi ne mourra pas. Son corps, assurément périra, mais pas son oeuvre, qui est le meilleur de lui-même, l’édifice de ses constructions théoriques et de sa création artistique. Ce qui est devenu son identité, sa différence, sa rébellion, sa résistance et sa conquête vaincront la mort.
Alors il a sublimé son corps, ses émotions, ses faiblesses, et il en a extrait le roc dur qui vainc le temps. Cette certitude lui donne enfin la sérénité qu’il a conquise au coût de ses angoisses. Il mue et se débarrasse du sentiment d’impuissance qu’il n’ a cessé de côtoyer et dont le défi permanent lui a paradoxalement accordé la force obsessionnelle enfin de se délivrer.
Cette certitude s’installe lentement. C’est un sentiment volatile et fragile, privé, qui manque d’écho. Tant d’années de travail solitaire ne trouvent pas leur aboutissement dans la reconnaissance publique, d’ailleurs encore à peine audible, mais dans l’assurance personnelle et quasiment secrète, de la tâche accomplie.
Jamais ce ne fut une ruse pour tromper la mort, pour échapper à sa mâchoire. Il ne sert à rien de ruser avec la mort. Il faut être plus fort qu’elle, la vaincre par lucidité en créant ce qu’elle ne peut effacer.
Ce fut un travail frontal, stratégique, un corps-à-corps permanent, dans une obsession de la mort, qui ne fut jamais morbide, mais qui fut un éveil sans repos. Car je suis né au milieu de la mort, entouré de larmes et de deuils, abandonné à moi-même. Né dans une névrose familiale douloureuse. C’est alors qu’est né mon instinct de révolte contre l’invivable. Et il m’aura fallu toute une vie pour cesser de mourir. Près de soixante-dix ans! Je n’ai pas délibérément sacrifié ma vie pour vaincre la mort. Je voulais être heureux et ce combat s’est imposé à moi, sans me laisser aucune alternative.
Pour vivre, il fallait d’abord que je vainque l’angoisse existentielle. Et lorsque la mort m’en libérera définitivement, vivra sereinement celui que j’ai voulu être.
Lorsque je me suis présenté au concours de l’Ecole normale supérieure, Michel Foucault m’a demandé successivement: Qu’est-ce qu’un homme normal ? Puis: Qu’est-ce qu’un grand homme? J’avais droit à vingt minutes de préparation. Je n’ai depuis, bien sûr, jamais oublié ces deux questions. Il connaissait les réponses.
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le stade de la conscience augmentée (2018)
Le développement biologique de nos facultés fabulatoires ne s’arrête pas lorsque nous atteignons le stade adulte. Je le savais, bien sûr, mais j’ai longtemps recherché comment identifier ce stade ultérieur de la vie, lorsque nous passons de l’autre côté du sommet de notre énergie vitale.
Je l’avais exprimé intuitivement dans ce tableau de 2012, peint la même année que les autres de ma série Mythanalyse présentée dans mon exposition au Centre Pompidou en 2017 et que j’avais d’abord intitulé La vie. Pourtant, je n’avais pas encore décidé d’y fixer mon choix et l’avais mis en attente. Six ans plus tard, je n’hésite plus à l’intégrer dans ce bestiaire qui compte donc désormais 10 peintures.

Tandis que la vie s’esquive lentement mais irréversiblement, telle une femme élégante qui évoque ma mère, commence le compte à rebours accéléré qui nous conduit vers la maturité puis la mort, diverse, joyeuse mais tragique aussi, invincible quoi qu’on veuille et fasse, dont la perspective inverse notre rapport au monde.
Avec la maturité apparaît cette conscience que j’appelle la conscience augmentée, nourrie par l’information planétaire en temps réel de l’âge du numérique, et par l’exigence éthique qu’elle implique, mais aussi construite par l’expérience vécue au sein de la société, qui modifie profondément nos fabulations. L’intensité le cède au calme et à la densité, l’impatience à la distanciation, l’aventure au parachèvement d’un édifice de vie et le nomadisme du coureur de planètes à l’enracinement.
Je tiens à cette référence d’actualité aux médias numériques, pour souligner le déterminisme sociologique de nos facultés fabulatoires.
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