Eve et Pandore

Référence :
21413

Titre :
Eve et Pandore

Date :
2014

Technique :
Acrylique sur toile

Famille/Série
Mythanalyse
Dimensions
102 x 102

Signature

Provenance
Collection particulière

Observations


Expositions
Centre Pompidou

Bibliographie
Mythanalyse de la divergence
Voir illustration sur le blog
Ève et Pandore comparant la pomme et la boîte de la divergence
La répétition du même: voilà ce que refuse et brise la divergence. Elle casse le refrain de la causalité. Elle papillonne dans l’arabesque. Elle regarde de tous côtés, dans l’apesanteur. Elle s’aventure dans l’incertain. Et elle risque l’affirmation transgressive.
Pourquoi ce besoin fondamental d’échapper à la permanence, à la stabilité, à la sécurité physique et mentale, et d’opter pour la divergence, son incertitude, ses risques physiques et mentaux. Qu’en espère-t-on de plus? Faut-il que nous ayons une si forte frustration au cœur même de notre condition humaine?
La divergence est emblématique de notre instinct de puissance sur le monde. Présente au sein même des mécanismes d’évolution de la nature, elle est devenue le moteur, le symbole de notre évolution humaine, qui repose beaucoup plus sur la divergence que sur la simple adaptation.
C’est la divergence qui creuse l’écart entre l’animal humain et les autres espèces vivantes, beaucoup plus inertes et lentes que nous dans leur évolution.
L’homme diverge parce qu’il n’est jamais satisfait. Il veut du nouveau, plus de puissance. Tel est le troisième instinct. Freud à l’époque où il a vécu, n’aurait pas dû se limiter à Éros et Thanatos. Prométhée compte autant qu’Éros et plus que Thanatos.
La divergence est résistance au pouvoir et à l’institué. Elle est délinquante. Elle est suraffirmation de liberté. Elle est la création. Et elle en assume le vertige fondateur. Elle brise le monument et elle en lance les éclats dans un geste créatif recommencé.

L’instinct de divergence qui anime l’être humain ne se manifeste qu’exceptionnellement dans l’espace public. Mais si l’on en cherche l’origine, on peut supposer que c’est dans le carré parental, lorsque le nouveau-né s’agite en tous sens comme une tortue sur le dos, lorsqu’il crie et rage d’impuissance, parfois pendant de longs moments, qu’il ressent ce besoin biologique de rébellion ou d’échappatoire. Fils ou fille, il s’inscrit en faux contre son sort et contre ceux dont il dépend et qui ne peuvent pas ou ne tentent pas de satisfaire à son besoin d’accéder à un autre monde.
On pourrait donc, si cette hypothèse est plausible, attribuer cet instinct de divergence, qui deviendra éventuellement instinct de création, à la révolte du fils contre le père, ou plus généralement pensé que selon ce schéma traditionnel de la psychanalyse freudienne, à la révolte de la fille ou du fils contre père ou mère ou contre les deux réunis. L’expression en est forte dans plusieurs mythologies, notamment grecque et biblique dans la civilisation occidentale. On constate même que ce sont des divergences radicalement dramatiques qui sont évoquées pour expliquer l’origine du monde tel qu’il est. Ainsi, c’est en tuant son père, le titan monstrueux Cronos, que Zeus imposa son pouvoir olympien. C’est en trompant Zeus pour lui voler le feu et le transmettre aux humains, que Prométhée put donner aux hommes un peu de la puissance et du savoir divins. C’est en ignorant les avertissements de Zeus que Pandore ouvrit la fameuse boîte de la conscience et de tous les maux qui viennent avec. Et c’est en désobéissant à Dieu qu’ Ève offrit la pomme de la connaissance à Adam et la partagea avec lui, au prix des grandes souffrances à venir. Prométhée fut puni cruellement par Zeus courroucé et Adam et Ève furent chassés du Paradis terrestre par un Dieu nom moins courroucé. Ce que nous disent ces mythes, c’est donc aussi que la divergence appelle la punition par les pères incarnant l’autorité et ne s’accomplit que dans la douleur. Il nous faut donc aujourd’hui réécrire ces mythes doloristes et réinterpréter positivement les figures non seulement de Prométhée, mais aussi d’Ève et de Pandore auxquelles nous devons la conscience et la liberté, en soulignant que la connaissance de notre sort n’implique pas nécessairement la fatalité tragique. A nous d’en transgresser la négativité pour affirmer notre pouvoir humain de création et de progrès. Il nous faut aujourd’hui réécrire nos vieux mythes ou en inventer de nouveaux, qui soient porteurs d’espoir. Et ne pas oublier que Pandore, précisément, avait pris soin de refermer la boîte avant que s’en échappe aussi l’espérance, qui nous demeure le plus précieux des biens. Elle picote Sisyphe, elle le bouscule lorsqu’il remet sa charge sur ses épaules, pour qu’il essaie un autre sentier d’escalade que les matins précédents.
Comme on peut le constater, ce sont des fils, Zeus et Prométhée, qui se sont révoltés contre le père, mais aussi des filles : Ève et Pandore, qui incarnent toutes deux le même rôle, l’une dans le mythe biblique, l’autre dans le mythe grec, en faisant accéder la race humaine à la conscience.

Zeus ayant pleinement incarné son nouveau rôle patriarcal en se substituant à Cronos, il est permis de dire que ce sont le titan Prométhée et les deux premières femmes de la race humaine, Ève et Pandore, qui incarnent le mythe de la divergence dès l’origine du monde. Il et elles ont changé la fatalité et ouvert la voie de l’évolution humaine.
Le mythe de la divergence se décline diversement dans l’histoire humaine, selon des moments d’extrême intensité sociale, comme la Révolution française (le roi paternaliste est guillotiné), ou selon des innovations sectorielles, en science, en philosophie, en art.
Mais on attend encore que la psychanalyse freudienne, profondément machiste, consacre un nouveau chapitre de sa théorie à la révolte de la fille, alors que la mythanalyse nous impose immédiatement une nouvelle vision des rôles en explorant et soulignant l’importance première des mythes de la divergence.
Et face au misérabilisme freudien, il est permis d’opter pour une mythanalyse joyeuse. Bien sûr, l’inscription du droit au bonheur dans la constitution américaine n’est pas un gage de félicité pour tous, loin de là, comme on peut le constater tous les jours. Le choix du Bhoutan de substituer la célébration du « bonheur intérieur brut » – le BIB au Produit intérieur brut qui mesure la performance globale de l’économie de chaque pays, est un vœu pieux d’inspiration bouddhiste, encore qu’il prétende très rationnellement établir un indice plus inclusif de divers paramètres légitimes: la croissance et le développement économiques, la conservation et promotion de la culture bhoutanaise, la sauvegarde de l’environnement et utilisation durable des ressources et une bonne gouvernance responsable. Certes, ce pays est l’un des plus pauvres de la planète, mais du moins opte-t-il contre la fatalité pour une vision d’avenir optimiste. De la parole à l’action, le chemin peut-être un grand défi, mais que l’esprit positif de l’imaginaire collectif pourra inciter à relever.
Réf : Blog Mythanalyse 29/06/2014
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Les deux mythes fondateurs de la femme en Occident
La liberté est donnée à l’artiste de réécrire les mythes, de les comparer, d’en créer de nouveaux. Dans cette rencontre des deux mythes fondateurs de la femme en Occident, le biblique et le grec, l’enjeu est de reconnaître ce que l’humanité doit à la transgression de la première femme, qui a donné à l’homme la conscience du bien et du mal et la liberté qui vient avec. Une comparaison plus approfondie des deux récits met en lumière l’interdit biblique et l’avertissement dont s’est contenté Zeus. Tandis que le dieu de la Bible condamne sans recours, le Zeus d’ Homère laisse à Pandore la possibilité de sauver l’espérance. Certes, ces deux mythes expliquent l’origine de la souffrance et des maux qui vont frapper l’humanité, mais leurs perspectives sont divergentes: le grec est moins négatif et doloriste que le biblique, puisque l’espoir demeure, sur lequel nous fondons notre évolution.
Cette peinture-ci est d’un style que je dirai féminin (stéréotype), tandis que la suivante (dans mon prochain blog), évoque la puissance et la virilité titanesque (stéréotype masculin). On pourrait aussi parler d’une tessiture dramatique de la voix qui passe du soprano au baryton.
Réf : Blog Mythanalyse 18/07/2014
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